Dans cet article, Mentor Rh décrypte pour vous les enjeux et nouvelles obligations pesant sur les employeurs qui embauchent des CDD. Vous pouviez jusqu’à présent être amené à proposer un CDI à un CDD.
Vous devez désormais non seulement leur transmettre la liste des postes à pourvoir en CDI, mais aussi assurer le service après-vente de France Travail.
Ces dispositions nous arrivent d’une part via la loi dite “DDADUE” portant “diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne”, entrée en vigueur le 1er novembre 2023, et d’autre part du décret d’application (du 30 octobre 2023) à la directive européenne de 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.
Sommaire
- Informer les CDD des postes disponibles en CDI : enjeux et nouvelles obligations
- Signaler les refus de CDI par vos CDD : enjeux et nouvelles obligations
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Informer les CDD des postes disponibles en CDI : enjeux et nouvelles obligations
Se voir proposer un CDI en tant que CDD : ce nouveau droit concerne autant vos collaborateurs en CDD (contrat à durée déterminée) ou les travailleurs temporaires mis à votre service. Il vous est opposable depuis le 1er novembre 2023.
Deux conditions essentielles sont à remplir pour être soumis à cette nouvelle obligation :
1️⃣ L’information se fait à leur demande,
2️⃣ A condition qu’ils justifient de plus de 6 mois d’ancienneté continue dans votre entreprise.
Comment vos collaborateurs en CDD ou intérimaires doivent-ils formaliser leur demande ?
Vos collaborateurs en CDD ou intérimaires peuvent vous transmettre leur demande par tout moyen, à condition que cette demande puisse être datée.
Aussi un mail avec accusé de réception ou un courrier remis en main propre est tout à fait adapté.
En revanche, une demande orale ne laisse pas de trace. De même, un mail sans accusé de réception ne permettra pas de prouver, si besoin, la bonne réception de la demande.
Que faut-il leur transmettre précisément ?
Vous devez leur transmettre la liste des postes en CDI à pourvoir dans votre entreprise :
- Poste en CDI ayant connu un départ pour lequel un remplaçant est recherché,
- Création de poste
Cette liste doit comporter tous les postes en CDI disponibles, que leur remplacement soit prévu en interne ou par un recrutement externe.
Bien évidemment, lorsqu’un collaborateur en CDD vous fait une telle demande, il n’est intéressé que par les postes correspondant à ces compétences. Vous n’avez donc à lui transmettre que la liste des postes disponibles en CDI correspondant à ces qualifications professionnelles.
Comment et dans quel délai cette information des CDD doit-elle être réalisée ?
Cette information doit être faite par écrit par l’employeur. Les informations transmises sont précises et motivées. Cela signifie qu’il faut notamment justifier des compétences requises, du niveau de qualification… Ces éléments doivent être en cohérence avec la qualification professionnelle du collaborateur demandeur.
Vous avez 1 mois pour apporter cette information aux collaborateurs en CDD qui en feraient la demande.
Vous avez tout de même droit à deux jokers :
👉🏻 Votre CDD vous a déjà fait 2 demandes de ce type au cours de la même année civile ? Vous n’êtes pas tenus de lui répondre par écrit et dans le délai d’un mois.
👉🏻 Votre CDD vous a déjà fait une demande, vous avez moins de 250 collaborateurs et votre réponse est identique à la première réponse fournie ? Vous pouvez la formuler par oral. (De mon côté, je pense qu’un petit mail c’est pas grand chose… et ça permet de laisser une trace 😊)
💡 Bonne pratique
Pourquoi ne pas prévoir tout simplement une information systématique à tous les collaborateurs de l’entreprise, quel que soit leur statut ou leur ancienneté sur les postes disponibles (qu’ils le soient en CDI, CDD ou sous un autre statut?)?
Une pratique plus simple, plus lisible mais surtout plus cohérente pour renforcer votre marque employeur et la confiance de vos collaborateurs. C’est gagnant pour tout le monde, non ?
Votre collaborateur vous fait part de sa volonté de postuler sur un poste disponible ? Vous envisagez de l’embaucher en CDI ? Cela passe par la signature d’un nouveau contrat et aussi par le respect des autres obligations d’employeur 😊.
Vous êtes confronté à un refus de CDI par un de vos collaborateurs en CDD ou par un intérimaire ? Vous devez désormais également suivre ces refus de CDI par vos CDD pour France Travail. C’est nouveau et c’est obligatoire!
Signaler les refus de CDI par vos CDD : enjeux et nouvelles obligations
Cette nouvelle obligation a été instaurée par la loi Marché du travail du 21 décembre 2022.
Références :
- Décret 2023-1307 du 28-12-2023 : JO 29, relatif au refus par un salarié d’une proposition de CDI à l’issue d’un CDD.
- Arrêté MTRD233557OA du 3-1-2024 : JO 10, relatif aux modalités d’information de l’opérateur France Travail par un employeur à la suite du refus par un salarié d’une proposition de contrat de travail à durée indéterminée à l’issue d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission
Depuis le 1er janvier 2024, un collaborateur en CDD à qui vous auriez proposé un CDI dans votre entreprise et qui le refuse, peut se voir privé d’allocations chômage.
Une révolution dans laquelle vous êtes, en tant qu’employeur, obligés de prendre un rôle de premier plan.
Mais revenons au point de départ car il y a des raccourcis à ne pas faire.
Non la loi ne dit pas que tout CDD ou intérimaire qui refuse un CDI perdra le droit à ses allocations chômage.
Mais oui, son objectif est bien de limiter l’ouverture des droits à chômage d’un collaborateur en fin de CDD ou de mission d’intérim qui refuserait un CDI à plusieurs reprises sur une période donnée (article 2 de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022, dite “Loi Marché du travail”).
Et oui, on se sert de vous, employeur pour faire ce travail de pointage et de déclaration. Certes, la procédure est dématérialisée pour faciliter le travail. Mais l’information existe par ailleurs (dans la DSN notamment) et elle aurait pu être exploitée directement!
Bon, ceci étant dit, revenons à nos moutons! Regardons de plus prêt à quelles conditions un refus de CDD peut entraîner une perte des allocations chômage pour un de vos collaborateurs et comment vous allez devoir le signaler.
Les 3 conditions pour qu’un refus de CDI entraîne une perte des allocations chômage pour un CDD ou un intérimaire
- Être un demandeur d’emploi
- Avoir refusé 2 propositions de CDI dans les 12 mois précédant la fin de son contrat (CDD ou mission d’intérim),
- Alors que ces propositions de CDI répondaient aux conditions cumulatives posées par la loi, à savoir :
- Proposition écrite,
- Sur un emploi correspondant à l’emploi occupé ou à la mission attribuée,
- Avec une rémunération et une durée de travail équivalente,
- Pour une classification et un lieu de travail identique.
Pour un intérimaire, la proposition de CDI n’a pas besoin de respecter les conditions liées à la rémunération, à la classification et à la durée du travail pour être valable.
Les obligations d’un employeur qui propose un CDI à un CDD ou intérimaire
1. Notifier les propositions de CDI par écrit
Cette obligation pèse sur l’employeur du CDD ou sur l’entreprise utilisatrice de l’intérimaire.
La notification écrite peut se faire par différents moyens qui vous permettent de vous ménager une preuve de sa réalisation :
- Lettre recommandée avec accusé de réception,
- Lettre remise en main propre contre décharge,
- Tout autre moyen permettant de donner une date certaine à la réception de la notification.
Cette notification doit bien évidemment s’accompagner d’un délai de réflexion suffisant pour permettre à votre salarié ou intérimaire de se prononcer.
Délai suffisant?
Délai raisonnable?
Evidemment, cette notion n’est pas définie par le législateur. Mentor RH vous préconise de ne pas prévoir de délai inférieur à 8 jours dans l’attente de précisions réglementaires ou jurisprudentielles.
💡 Bonne pratique!
N’oubliez pas d’indiquer dans votre courrier que l’absence de réponse à l’expiration du délai de réflexion vaut refus de la proposition faite.
2. Informer France Travail du refus de la proposition de CDI
Que le refus opposé soit exprès (réponse écrite) ou tacite (absence de réponse), vous avez 1 mois en tant qu’employeur ou entreprise utilisatrice pour en informer France Travail (nouveau nom de Pôle Emploi).
Cette information se fait via une plateforme dédiée accessible par ce lien : https ://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail.
⏳ L’administration nous transmet même le temps de remplissage estimé : 7 minutes! 😅
⚡ Il faudra vous identifier avec un compte “France Connect” ou avec un compte dédié sur le site demarches-simplifiees.fr.
Prévoyez aussi les éléments essentiels que vous devrez remplir :
🆔 Identité des parties : employeur et collaborateur (nom, prénom, qualité)
🏭 Identité de l’entreprise de travail temporaire, le cas échéant,
📝 Nature du CDD ou du contrat de mission terminé,
🤝 Nature du CDI proposé.
Elle s’accompagne en effet de justificatifs à produire :
📝 Un descriptif de l’emploi proposé,
✅ Des éléments justifiant du caractère similaire de l’emploi que vous lui avez proposé avec celui qu’il avait chez vous,
⌛ Le délai laissé au collaborateur pour se prononcer sur la proposition de CDI,
📆 La date du refus exprès, ou s’il n’a pas répondu, la date d’expiration du délai accordé au terme duquel son rejet sera considéré comme acquis.
Pour mémoire, les éléments justificatifs doivent concerner :
Pour un CDD (par rapport à l’emploi occupé en CDD) | Pour un salarié en contrat de mission – intérimaire (par rapport à l’emploi occupé lors de la mission) |
---|---|
Emploi proposé identique ou similaire | Emploi proposé identique ou similaire |
Rémunération proposée au moins équivalente | Même lieu de travail |
Durée du travail proposée équivalente | |
Classification de l’emploi proposée identique | |
Même lieu de travail |
Une fois ces formalités accomplies, vous pourrez accéder à un accusé de réception pour confirmer votre déclaration.
⚡ Si vous ne donnez pas les informations nécessaires et suffisantes, France Travail vous adressera une demande d’informations complémentaires. Vous aurez alors 15 jours à compter de la demande pour y répondre.
Les conséquences pour le collaborateur en CDD ou intérim d’un refus de CDI
Lorsque France Travail reçoit l’ensemble des éléments de l’employeur ou de l’entreprise utilisatrice, il lui revient d’informer le collaborateur de cette réception. Il doit également lui expliciter les conséquences de son refus de CDI sur son droit à l’allocation chômage.
Le code travail a introduit une nouvelle réserve au droit à l’allocation d’assurance chômage (article L 5422-1) : “S’il est constaté qu’un demandeur d’emploi a refusé à 2 reprises, au cours des 12 mois précédents, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues (…) le bénéfice de l’allocation d’assurance ne peut lui être ouvert…”
Deux exceptions sont prévues à cette privation des allocations chômage :
- Si le collaborateur a été employé, au cours de ces mêmes 12 derniers mois, en CDI au titre d’un autre contrat,
- Si la proposition faite par l’employeur ou l’entreprise utilisatrice n’est pas conforme aux conditions posées.
💥 De nombreuses interrogations demeurent sur cette procédure…
❓ Le code du travail, en l’état ne donne aucune limitation de durée à cette privation de droits à l’allocation chômage!
💶 Quelles sanctions en cas de non-respect par un employeur de la procédure de signalisation ? Le code du travail est muet à l’heure actuelle. Mais France Travail pourrait invoquer une fraude, le collaborateur percevant des indemnités pour lesquelles il n’a pas de droit! L’organisme pourrait-il se retourner contre les employeurs n’ayant pas procédé à son information?
🙅🏻 Un collaborateur pourra-t-il contester la légitimité du CDI proposé ?
En synthèse :
👀 A quoi sert l’obligation d’informer les CDD des postes disponibles en CDI ?
Cette obligation qui pèse désormais sur les employeurs qui recourent à des CDD ou prestations d’intérim de plus de 6 mois continus, vise à plus de transparence dans les relations contractuelles. Elle a aussi pour objectif indirect de faciliter les passages en CDI, le CDD étant toujours considéré comme un statut précaire à protéger.
En revanche, cette information obligatoire ne vaut pas priorité d’embauche pour les CDD ou intérimaires concernés.
👀 Pourquoi un collaborateur sous contrat temporaire (CDD – mission) ne peut-il refuser de CDI sans risquer des effets sur sa prise en charge par France Travail ?
Culturellement, les contrats temporaires (CDD ou intérim) sont considérés en France comme des contrats précaires. Comme le temps partiel par rapport à un temps plein. A protéger donc par des conditions de recours strictement encadrées, un formalisme renforcé. Mais aussi à limiter. Depuis plusieurs années, le législateur cumule couche par couche les législations pour faire diminuer le recours à ce type de contrat, leur durée… D’une part, il encourage les employeurs à faire preuve de davantage de transparence et de communication sur les postes disponibles (si vous n’avez pas lu la 1ère partie de l’article, c’est le moment!). D’autre part, il sanctionne les collaborateurs dits “précaires” qui refusent des contrats plus stables en limitant ou refusant la prise en charge des allocations chômage. Dans une logique de plus en plus forte de prise en charge par la société du temps de chômage subi et non choisi.